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Loin de moi la prétention d’avoir beaucoup voyagé au loin pour pratiquer ma passion qu’est l’observation des oiseaux, mais pour ce qui est du Nouveau-Brunswick, là je m’y connais à fond! J’ai eu la chance d’y vivre de merveilleuses aventures à la recherche du maximum d’espèces ou pour aller trouver des oiseaux rares. Ma passion pour l’ornithologie m’a permis de visiter tous les coins de cette province à la biodiversité aviaire généreuse.

Après plus de 35 ans à pratiquer ma passion de l’observation des oiseaux ici, j’en conclus que le Nouveau-Brunswick est une destination ornithologique totalement sous-estimée dans l’Est du Canada.

American Bald Eagle - Alain Clavette
Pygargues à tête blanche surveillant leur nid à Memramcook, sud-est du Nouveau-Brunswick

J’en ai entendu des choses!

  • Des chants de Parulines de toutes espèces qui défilent comme une playlist à mesure qu’on descend la rivière Restigouche au printemps, jusqu’au « swoosh » des ailes de milliers de bécasseaux sur une vasière de la baie de Fundy en été, entrecoupé par les cris stridents d’un jeune faucon pèlerin et de ses parents en pleine leçon de chasse.
  • Des cris nasillards de douzaines de Puffins majeurs nés à l’autre bout du monde au large de l’Afrique du Sud mêlés à ceux de goélands entourant un bateau sur la baie de Fundy en septembre.
  • Le chant bouillonnant de la très rare Grive de Bicknell au sommet du mont Sagamook en début de soirée de juin.
  • Une Chouette de Tengmalm qui remplit une nuit étoilée de son chant répétitif en bordure d’une tourbière de l'île Miscou à la fin mars.
  • Des nombreux Plongeons Huards qui se répondent toute la nuit aux quatre coins du lac Spednic en juillet avec une famille de Chouettes rayées engagées dans une cacophonie d’envergure à quelques mètres au-dessus de ma tente.

J’en ai vu des choses!

  • Des centaines de Fous de Bassan qui fondent vers l’eau comme des missiles à la poursuite de poisson en avril au bout d’un quai du détroit de Northumberland.
  • Des centaines de Macareux Moines enveloppant une petite île rocheuse de la baie de Fundy, l'île Machias, en juillet.
  • Des milliers de Mouettes de Bonaparte et autres laridés dans un festin servi par un tourbillon géant au bout de l'île Deer en septembre.
  • Un Harfang des Neiges à droite, une Buse Pattue à gauche et un très rare Aigle Royal droit devant dans l’immense marais de Tantramar en janvier.
  • Des milliers et des milliers de macreuses en migration se reposant au confluent de la rivière Restigouche et de la baie des Chaleurs en avril et semblant couvrir la surface de l’eau à perte de vue.
  • Le spectacle coloré que donne la concentration de plus de vingt espèces de Parulines dans des endroits comme l’île Grand Manan en mai peut donner une bonne dose d’adrénaline aux passionnés.
Great Blue Heron - Alain Clavette
À l'île Lamèque, un Grand héron monte la garde, immobile, en attendant sa prochaine proie

Comment en profiter?

En planifiant votre visite ornithologique à l’avance, vous pourrez établir la liste des espèces cibles tout en explorant la nature généreuse de la province et en visitant une grande variété d’habitats.

D'entrée de jeu, il faut comprendre que le Nouveau-Brunswick comporte deux écosystèmes marins qui sont considérablement différents l’un de l’autre. À l’Est, on trouve le détroit de Northumberland et le golfe du Saint-Laurent et au sud, la prolifique baie de Fundy. Pour trouver d’immenses quantités de Bécasseaux semi-palmés rassemblés sur des vasières mises à découvert par les plus hautes marées du monde, c'est dans la baie de Fundy que ça se passe! Par contre durant la même période, le littoral du détroit de Northumberland et de la baie des Chaleurs produira une bien plus grande diversité de différents oiseaux de rivage. La dune de Maisonnette en août est un paradis pour l’observateur qui veut se promener pieds nus dans le sable avec sa lunette d’approche ou son téléobjectif.

Common Tern - Alain Clavette
Sterne pierregarin et son repas pour emporter, Shediac

Des migrations intéressantes

La réalité est que notre magnifique province contient des centaines et des centaines de kilomètres de côtes propices à la halte migratoire de plus d'une vingtaine d'espèces d'oiseaux de rivage, et ce, dès le mois de juillet pour se poursuivre, avec moins d’intensité, jusqu'au mois d'octobre. La concentration d'oiseaux chanteurs qui migrent au printemps dans des îles ou sur des presqu'îles qui prolongent le littoral est parfois spectaculaire. Chaque année, à la mi-mai, de nombreux passionnés passent quelques jours sur l'île Grand Manan et l'île White Head dans la baie de Fundy… ou d'autres fois à l'île Miscou, un paradis ornithologique à l’extrémité nord-est de la province qui gagne à être connu.

La migration des passereaux à l'automne prend un caractère particulier dans les Maritimes et au Nouveau-Brunswick. L'abondance d'espèces et le nombre d'individus font rêver plus d'un ornithologue. Dès la fin août jusqu'à la mi-octobre, parfois même un peu plus tard, de grandes quantités d'oiseaux chanteurs nés sur la portion est du Bouclier canadien se dirigeront vers la côte est du continent avant d'entreprendre leur grand voyage vers le sud. Planifiez passer du temps dans des endroits clés comme l'île Grand Manan, l'île Miscou, des estuaires de rivière ou des pointes de terre s'avançant dans la mer. Vous trouverez différents habitats à l'intérieur de lieux protégés et de parcs accessibles au public qui offrent la chance d'observer plusieurs espèces d'oiseaux.

Mais le Nouveau-Brunswick offre tellement plus à l'observateur d'oiseaux, qu'il est conseillé d'entrer en contact avec les groupes ornithologiques locaux dans les médias sociaux ou sur les sites web spécialisés dans le domaine. Il y a souvent un petit sentier méconnu ou un chemin qui vous transporte dans un habitat particulier de la région qui pourra vous être suggéré. Par exemple, tôt au printemps, vous trouverez dans presque chaque village des étangs d'épuration des eaux usées qui recèlent de la sauvagine de toutes sortes en grand nombre puisque le Nouveau-Brunswick se trouve sur la voie migratoire de plusieurs espèces de canards et d’oies. Ces endroits n'ont aucun caractère touristique, mais plairont grandement à l'ornithologue averti, et c'est pourquoi il est important d'entrer en contact avec des passionnés locaux qui sauront vous révéler ces petits trésors à ne pas manquer lors de vos déplacements.

Blackburnian Warbler - Alain Clavette
Paruline à gorge orangée explorant les rivages rocailleux de l'île Grand Manan

Cap sur la baie de Fundy

L'observateur d'oiseaux qui organisera son voyage longtemps d'avance aura peut-être la chance de réserver une place sur une excursion très contingentée, mais dont il se souviendra toute sa vie. Située au sud de l'archipel des îles Grand Manan, l'île Machias abrite une colonie de Macareux moines qui donnent un spectacle à couper le souffle à quiconque aura la chance de s’y rendre. Les minutes passées à l'intérieur d'une cache directement dans la colonie de macareux avec des oiseaux à quelques mètres des yeux offrent une expérience qui reste gravée dans la mémoire à tout jamais. En raison du caractère fragile de la ressource, une seule compagnie offre cette excursion. Il faut prendre le bateau à partir de Seal Cove sur l'île Grand Manan, mais les places sont très limitées et se réservent longtemps d’avance. Il est également rare, mais possible d’apercevoir des Macareux moines à partir du traversier de l'île de Grand Manan durant la saison estivale. Évidemment l'observation ne sera pas facile et il faut être aux aguets avec ses jumelles en tout temps durant la traversée.

D'ailleurs la baie de Fundy offre un produit ornithologique absolument unique à l'est du pays de la fin juillet à la fin septembre avec des quantités d'oiseaux de mer qui donnent lieu à des observations spectaculaires. Des oiseaux pélagiques qui nichent dans l'hémisphère Sud, comme le Puffin fuligineux ou le Puffin majeur, ne toucheront la terre ferme que lorsqu'ils retourneront sur leur île natale au large de l’Afrique du Sud. Mais il y a aussi des oiseaux pélagiques qui nichent dans l'hémisphère Nord, loin dans l'Arctique comme le Grand Labbe ou le Labbe Pomarin. Les Fous de Bassan sont aussi parfois nombreux, surtout lorsqu’ils auront quitté la grande colonie de l'île Bonaventure au Québec. Les Océanites de Wilson et les Océanites cul-blanc s’observent par milliers au large. Parmi les autres espèces pélagiques qu'il est possible d'observer, on compte le Fulmar boréal, le Labbe parasite, le Labbe de McCormick, le Puffin des Anglais, le Guillemot marmette. L’abondance de nourriture produite par les grandes marées de la baie de Fundy attirera aussi son lot de mammifères marins qui côtoient les oiseaux de mer.

Blue-winged Teal - Alain Clavette
Sarcelle à ailes bleues en vol près du parc de la Sauvagine à Sackville

Dans les hauteurs des Appalaches

Une autre expérience qui procurera une bonne dose d'adrénaline à l'ornithologue averti est l'ascension du mont Sagamook et du mont Carleton, les plus hauts sommets de la province. On y a l'impression d'être dans la toundra avec des sols très rocailleux, des arbres recroquevillés sur eux-mêmes et une végétation boréale alpine abritant des espèces comme le Bruant fauve et la Paruline rayée.

Mais la grande vedette ici, c'est un des oiseaux les plus rares au Canada, la fameuse Grive de Bicknell. L'observer de ses yeux est un privilège qui n'est donné qu'à quelques-uns, car la Grive de Bicknell mène une vie plutôt secrète. Mais entendre son chant mélodieux et bouillonnant est une expérience possible si on se trouve sur les sommets à l'aube ou au crépuscule aux alentours des trois premières semaines de juin.

Snow Buntings -Alain Clavette
Petit groupe de Plectrophanes (Bruants) des neiges à Memramcook

Observations hivernales au Nouveau-Brunswick

L'hiver au Nouveau-Brunswick ne laissera pas l'ornithologue en reste. La baie de Fundy, grâce à ses hautes marées, ne gèle pas. Ainsi, l'action des marées crée des marais salés intéressants pour certains oiseaux aquatiques et autres. Les estuaires de rivières et les portions de côtes non gelées présentent des concentrations de canards de mer tels que les Harles huppés et les Grands Harles, les Garrots à œil d'or et Garrots de Barrow, les Hareldes Kakawi et les Eiders à duvet, les Macreuses à front blanc et à bec jaune… pour n'en nommer que quelques-uns! Tous les champs de culture et les grands espaces ouverts tels que les marais salés favorisent l’observation de rapaces hivernants comme la Buse pattue, qui passe l'hiver en assez grand nombre dans le sud de la province particulièrement. Le Harfang des neiges ou même, plus rarement, un autre hibou en quête de dîner peut aussi faire la joie d’une journée hivernale en nature.

L’amateur d’observation de Laridés ne sera jamais déçu au Nouveau-Brunswick, car des habitats marins, on en a! Alors des Mouettes et des Goélands on en a beaucoup! Le Mascaret en hiver à Moncton est une attraction qui attire aussi les Laridés. D’ailleurs, en hiver, Moncton est un des meilleurs endroits à l’est du pays pour observer des rassemblements de Goélands arctiques. Les plages, les estuaires et les bancs de sable sur la côte offrent souvent la chance de passer des heures à scruter des groupes de différents goélands et mouettes en train de se reposer.

Pour ma part j'ai toujours une appréciation profonde du silence ‘’ouaté” de la neige en hiver dans les coins les plus reculés de la forêt boréale du Nouveau-Brunswick. Quand le simple cri d'une Mésange à tête brune enclenchera une célébration dans mon cœur. Ah! Je vois des images de l’arrivée d'un Pic à dos noir avec, en trame sonore de fond, les sifflements d'une famille de Mésangeai du Canada. Je me souviendrai toujours d'un séjour dans un chalet de la vallée de la Restigouche au mois de janvier où chaque kilomètre carré de cette forêt boréale couverte de neige gazouillait incessamment avec le cri de dizaines de Tarins des pins et les chants de centaines de Becs-croisés à ailes blanches. Ces derniers, en plein mode de nidification malgré la saison froide, profitaient de l’abondance cyclique des cônes de certains conifères. Partout où nous allions pendant les 3 jours passés dans le coin, l'air était rempli du chant du fascinant bec-croisé. La présence de plusieurs espèces de Fringillidés dans les forêts du Nouveau-Brunswick en hiver suivra une distribution cyclique de chaque espèce et certains hivers seront beaucoup plus actifs au niveau biodiversité aviaire que d'autres. Mais qu'il s'agisse d'un hiver qui abonde d'espèces ou non; la présence de la joyeuse Mésange à tête noire est toujours 100 % assurée.

Peu importe la saison, ce curieux petit joyau ailé qui est l'emblème aviaire officiel de la province sera toujours là pour vous dire que le Nouveau-Brunswick est très certainement une destination ornithologique sous-estimée. À vous de la découvrir!