Quatre amis sur le sentier Nepisiguit Mi’gmaq : 4 jours, 2 sections, 60 km
Le sentier Nepisiguit Mi’gmaq, dans le nord du Nouveau-Brunswick, s’étend sur 150 km dans un véritable paradis de nature sauvage. À partir de la Réserve naturelle de la pointe Daly à Bathurst, le sentier longe la puissante rivière Nepisiguit jusqu’au parc provincial Mont-Carleton.
Ce sentier est un ancien chemin de portage utilisé par le peuple Mi’gmaq pour se déplacer entre la baie des Chaleurs et les hautes terres de leur vaste territoire sur la chaîne des Appalaches. Des centaines d’années plus tard, le sentier a été remis en état par la fantastique équipe de bénévoles du Sentier Nepisiguit Mi’gmaq.
Mes 3 amis et moi nous sommes préparés à parcourir 60 km de cet ancien portage en 4 jours. La randonnée nous semblait quelque peu intimidante, mais nous étions fin prêts à relever ce défi pour voir si nous étions à la hauteur devant cette merveille de la nature.
Nous avions prévu commencer par deux sections du sentier pour apprendre à le connaître. Le sentier dans son ensemble révèle trois grandes facettes géologiques : la montagne, la vallée et le delta. Les deux sections que nous avons choisies nous ont exposés à la plupart des caractéristiques du sentier sans que nous ayons à en parcourir la distance totale de 150 km (ce que nous ferons une prochaine fois).
Notre plan était simple : prendre deux voitures, en déposer une au point d’arrivée et l’autre au point de départ, faire la première section, puis répéter l’opération pour la deuxième.
Question de prendre un peu d’avance, nous sommes partis très tôt le samedi (5 h du matin pour être exact!) car il nous fallait faire deux heures de voiture à partir du Quality Inn & Suites de Bathurst. Quelques heures plus tard, nous avions garé un véhicule au pont de Heath Steele et nous préparions notre équipement à Popple Depot. Les merveilleux propriétaires du Governors Resort nous ont permis de laisser notre seconde voiture à leur domaine. C’est ici que nous nous sommes assurés d’avoir tout ce qu’il nous fallait pour la première section de la randonnée (44 km en 3 jours).
Vers 8 h 30, nous étions au point de départ du sentier et prêts à entamer les 19 km vers le premier campement. Après environ 30 minutes, nous avons rencontré deux membres de Sentiers verts Chaleur qui s’en allaient passer la journée à pêcher et qui ont accepté de nous prendre en photo. Nous étions loin de nous douter qu’elles étaient les dernières personnes que nous verrions pour le reste de notre aventure!
Nous avons eu beaucoup de plaisir à apprivoiser le sentier et à nous imprégner de la nature sauvage, chose que peu de gens ont la chance de vivre. Nous frayer un chemin dans la végétation et traverser de vieux barrages de castors ont rendu notre expérience réellement inoubliable.
La rivière à notre gauche, nous avons traversé des terrains diversifiés. Les racines tortueuses, les branches, la mousse et quelques traversées de ruisseau ont occupé la majeure partie de cette première journée. Certains tronçons que nous avons parcourus étaient marécageux et nous ont permis de tester nos techniques de saut en longueur. Je n’avais jamais vu d’aussi grosses fougères; on avait l’impression de nager dans une mer de verdure, le vent caressant doucement les feuilles pour simuler la houle. Lorsque la forêt s’ouvrait sur la rivière, on pouvait apercevoir les collines rocheuses des terres hautes du nord de la province.
Notre premier campement se situait à Indian Falls Depot, à près de 20 km de notre point de départ à Popple Depot. Le sentier traçait une courbe, offrant une vue merveilleuse de la rivière et des collines escarpées qui l’entouraient. Au sud, on pouvait entrevoir derrière les arbres le mont Denys, un pic proéminent de la vallée.
La journée s’est terminée par un bon repas de pennes au pesto et au peppéroni. Assis sur nos tabourets portables et étendus dans nos hamacs en regardant la rivière couler, nous avons plaisanté et discuté de notre journée. Il est rapidement devenu évident que rien ne pouvait surpasser le sentiment de liberté absolue que nous ressentions à ce moment précis.
Les prochains jours seraient remplis de futures histoires à raconter. Chacun a pris son propre rythme, ce qui a en quelque sorte individualisé notre parcours. Si l’un d’entre nous faisait une découverte qu’il fallait partager, nous nous arrêtions pour discuter de notre expérience. Nos conversations étaient parfois agrémentées par l’apparition d’un crâne d’orignal ou de chevreuil, ce qui nous rappelait le cycle de la vie. Les couleuvres, oiseaux, écureuils et insectes étaient nos amis les plus fréquents à tout moment de la randonnée, mais ce sont les oiseaux qui nous accompagnaient le mieux grâce à leurs chants mélodieux. À l’occasion, nous étions même spectateurs d’une chamaille entre écureuils, qui tentaient sans doute de nous montrer qui était maître de la forêt.
Nous avons eu à traverser de nombreux cours d’eau, et certains ruisseaux plus larges comportaient même un pont suspendu pour nous aider. Construits de corde, de bois et de bûches, on aurait cru que ces ponts faisaient réellement partie de la forêt, ce qui rendait notre expérience encore plus mémorable. Au total, nous en avons traversé trois pendant notre randonnée, et nous les remercions d’avoir gardé nos pieds au sec.
Le deuxième jour de la première section, nous sommes arrivés au lieu dit « Allens Rocks », un tronçon du sentier où la rivière habituellement calme se jette dans un monceau de roches pointues et de courants forts. L’eau semblait presque en colère en comparaison à sa tranquillité passée. Il était fascinant de voir cette transformation de la rivière. Elle évoluait à chaque kilomètre et nous avons pu voir sa métamorphose tout le long du sentier. J’ai acquis beaucoup de respect pour elle.
Après environ 30 km, la rivière s’est encore une fois transformée, mais cette fois-ci, c’était complètement différent. La rivière était désormais très large et peu profonde. Son tracé était généralement très droit, mais elle changeait légèrement à un endroit nommé « la courbe ». Nous sommes passés d’un paysage rempli de grands sapins baumiers à une abondance de pins blancs, nettement plus hauts. Il s’agit là d’un signe de descente de l’élévation.
Lorsque nous avons commencé à chercher notre prochain campement pour la nuit, nous commencions tous à ressentir les effets d’une marche de 40 km sur le corps. La joie et l’enthousiasme ne nous avaient pas quittés, mais nos jambes nous priaient de nous arrêter! Après quelques heures de marche et environ 21 km en une journée, nous avons trouvé le parfait endroit où dresser nos tentes. Il y avait de très belles fougères bien vertes, de grands arbres matures, et bien sûr, un sol plat. De nombreuses branches, racines et plantes étaient éparpillées un peu partout, donc nous avons dû faire un peu de ménage avant de nous installer. Par contre, après quelques minutes, le hamac était accroché entre deux pins, les tentes étaient montées et nous étions chez nous dans une belle partie de la forêt parmi de vieux arbres tombés sur lesquels nous pouvions nous asseoir et discuter.
Le deuxième jour, le crépuscule est arrivé et nous a complètement éblouis. Les nuages et la brume, se mêlant au soleil couchant, devenaient de la ouate couleur lavande, rose et mauve se transformant en douce couverture rouge. Le vent s’était endormi, le clapotis de la rivière devenait plus présent et les oiseaux nous chantaient une berceuse. Nous n’avions rien d’autre à faire que nous asseoir et admirer le cadeau que nous faisait la nature ce soir-là. C’était un moment de pure tranquillité.
Le jour suivant, nous devions entamer la deuxième partie de notre randonnée; celle qui s’étendait sur une moins grande distance. Nous avions la chance de nous détendre, de profiter du moment présent et de songer au trajet que nous avions parcouru. Nous étions surtout enthousiastes face à cette section de la randonnée en raison du campement. C’était la cerise sur le gâteau; la grande finale de notre aventure.
Le campement était situé sur une petite pointe rocheuse qui donnait sur la rivière maintenant très large; au centre de la pointe se situait un tipi connu sous le nom de « Gitpu », un mot mi’gmaq qui signifie « aigle ». Ce tipi est entouré de vieux chênes qui le protègent des chauds rayons du soleil. On peut trouver du granit rose sur les berges de la rivière ainsi que quelques souches d’arbre parfaites pour s’asseoir. C’était un endroit magnifique où l’on pouvait se détendre et regarder les poissons sauter. À droite, sur la pointe d’une île, il y avait un vieux pin blanc très grand sur la cime duquel nous avons pu apercevoir un aigle dans son nid qui scrutait la rivière en contrebas. C’est alors que nous avons su pourquoi ce charmant site se nommait Gitpu.
Plus tard en après-midi, nous avons profité de la chaleur de la journée pour faire une baignade. L’eau était claire et fraîche — la température parfaite pour se rafraîchir.
Alors que notre avant-dernière journée se terminait, il était temps de mettre nos compétences en cuisine à l’épreuve pour la dernière fois. Autour du tipi, nous nous sommes installés et mis à l’œuvre. Au menu : purée de pommes de terre minute, macaronis au fromage, miettes de bacon et encore du fromage. Nous avons tout mélangé en un gros plat et divisé en portions. C’était la première fois que je goûtais ce qu’on appelle des « pierogis déconstruits ». Était-ce mon meilleur repas à vie? Peut-être pas, mais c’est certainement au sommet de la liste!
Le matin suivant, nous nous sommes réveillés, surpris de voir le dernier jour déjà arrivé. Tout le monde était de bonne humeur, mais nous avions hâte de retourner chez nous.
En quatre jours de randonnée, nous avons marché un total de 60 km. Après avoir eu la chance de constater la beauté naturelle du Nouveau-Brunswick de mes propres yeux, je peux dire que ce fût l’un de mes meilleurs voyages à vie – dans ma province en plus! Cette aventure m’a permis d’avoir plus de respect pour la nature; pour une fois, je savais que ce n’était pas moi qui menais le jeu. Dame Nature nous a guidés sur les sentiers du peuple Mi’gmaq, qui a vécu sur cette rivière pendant des siècles. Mes amis et moi lui en sommes infiniment reconnaissants.
Si jamais vous êtes au Nouveau-Brunswick et que l’aventure vous appelle, nous recommandons fortement ce sentier. Préparez-vous en visitant le site Web du Sentier Nepisiguit Mi’gmaq et en lisant le guide par section du sentier. Réservez votre campement le long du sentier dans le système de réservation des parcs provinciaux sous l’onglet Arrière-pays.